Mort ou Vif

Alfred était connu des services de police, ainsi que des services de l’hôpital psychiatrique de sa petite ville de province. Il était d’une famille de commerçants installes sur la place principale du village depuis plus de 50 ans.

Ses parents avaient connu peu de chose a part le travail et le dévouement a leur librairie dont le cote droit était aussi un cafe. Les habitants de cette bourgade enfin ceux qui s’intéressaient a la lecture venaient y prendre un cafe, un aperitif, tout en se plongeant dans la lecture d’une histoire policière ou de science fiction. Germaine la mere d’Alfred aimait observer ces visiteurs, souvent des habitues. Tout comme eux, elle se plongeait dans une lecture interrompue par la clochette de la porte qui indiquait l’arrivée d’un nouveau client. Il arrivait parfois qu’elle grogne alors qu’on la sortait de ses lectures.

Quand au père d’Alfred, Gustave, homme bourru de forte corpulence, visage jovial et regard intelligent, il pouvait s’asseoir des heures a observer ses clients, surtout ses clientes d’ailleurs.

Lui ne lisait pas mais il écrivait . Assis dans un coin de la librairie inaccessible aux visiteurs, Il inventait des dialogues, raturait des pages entières pour mieux recommencer. Parfois nerveusement, parfois avec un petit sourire aux lèvres. En fin de journée il prenait bien soin de replier ses pages noircies et de les mettre en lieu sur.

Dans ses écris revenait souvent l’idée de domination. Une domination non pas physique mais plutôt intellectuelle. Il faut dire qu’il avait le choix de ses personnages. Aux beaux jours, la librairie fourmillait de caractères qui correspondaient exactement a ceux qu’il tentait de mettre en scene. Le portrait robot ideal serait une femme d’une trentaine d’années, cheveux longs , blonds de preference et surtout un regard doux et souriant.

Son histoire qu’il réécrivait en permanence était souvent la meme, mais il cherchait la perfection. Le dialogue et l’échange parfait qu’il aurait avec l’une de ces lectrices assidues, l’une de ces victimes.

Il souhaitait au plus profond de lui meme se retrouver en tete a tete avec une de ces jeunes filles dans un lieu neutre afin de projeter sur elle son fantasme qui consistait a avoir le droit de vie ou de mort sur sa proie si elle ne répondait pas correctement aux questions et énigmes qu’il lui poserait.

Il était obnubile par le mot Intimité . Qu’est ce qui peut bien se cacher derriere ce mot. C’est ce que Gustave souhaitait. Pénétrer l’intimite d’une jeune fille. Au moment ou elle croiserait son regard a quoi penserait-elle? Pouvait-il voler cette intimité ou au contraire elle lui dévoilerait ses pensées?? C’etait la croyait-il la raison de sa principale question.

"A quoi penses tu au moment ou tu es en face de moi ?"

Comment Alfred a eu accès aux pages secrètes de son pere.

A la lecture de ces scenarios glacants, il a compris immédiatement que son bourreau de père allait commettre l’irreparable sur une victime innocente.

Il s’est investi de cette mission qui serait de défendre une pauvre jeune fille face a la folie d’un homme. Son plan était prêt.

A l’heure ou son père Gustave sortirait Enzo le chien de la maison, en general après le petit déjeuner et avant l’ouverture de la librairie, il suivrait son père dans le parc pour la promenade journalière avec un pistolet muni d’un silencieux.