Moments Precieux
- info517950
- Mar 3, 2022
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Encore un matin où les gouttes de pluie semblaient pester violemment sur les tuiles rouges de notre maison, comme si elles voulaient absolument pénétrer dans ma chambre tant le bruit était régulier et persistant. Notre maison était nichée au milieu d'un village médiéval. Les toits des maisons avoisinantes eux aussi nous envoyaient leur crépitements sous les gouttes de pluie inquisitrices. C’est avec ce bruit que durant les mois de printemps et d'été, je me réveillais souvent le matin. Dans l'est de la France, les hivers peuvent être très rigoureux, ce qui signifie que le printemps et l'été sont toujours prêts a montrer le meilleur de ce que la nature a à offrir. La faune, les fleurs, les buissons, les arbres, tout s’animait, presque simultanément pour une grande fête qui nous le savions que trop ne durerait pas.
Parfois, c'était aussi le chant du coq de la ferme voisine qui me sortait de mes rêves. C'est avec bonheur que je m'étirais dans mon lit car le chant du coq était synonyme de beau temps et donc de balades en forêt, de promenades dans les champs, a demander aux vaches qui paissaient paisiblement si l'herbe grasse qu'elles mangeaient était à leur goût. Ces pérégrinations occupaient la grande majorité de ma journée. L'autre partie, je dois l'avouer, je la passais à rêvasser.
Ces jours d'été où le coq semblait ne s'adresser qu'à moi, me remplissaient d'une joie et d'une excitation que j'avais du mal à cacher.
- Pourquoi te précipites-tu, demandait ma mère ?
- Parce que Jean Claude m'attend ....
Je ne mentirais jamais, mais j'avais suffisamment d'arguments pour déguiser une situation et la tourner a mon avantage.Un cas de force majeure surement ?
Comme d’habitude en arrivant chez Jean Claude, il dormirait encore et je devrais le réveiller sous le regard indulgent et malicieux de son père qui se nommait Constant. Sa mere s’appelait Helene. Bizarrement c’était un couple qui se ressemblait physiquement . Tout aussi bizarrement on n’ aurait aime ne s’attacher qu’a un seul de ces deux personnages pleins de bonhomie.
C'était l'appel de la nature avec ses promesses de découvertes, d'émerveillement et de communication avec les pies, corbeaux et autres grives. Ces “ voyages" m'ont beaucoup aidé.
Une fois sur notre terrain de jeu et d'action, Jean Claude et moi étions plutôt calmes et concentrés.
- Tu as vu ça ? Regarde labas sous le noisetier !!! me disait-il de temps en temps. Il était heureux de partager ce qu'il vivait. J'aimais ces moments d'échanges où seules la curiosité et l'émerveillement suffisaient à nous faire savoir que nous vivions un grand moment, loin du monde des adultes
Je me souviens de ces moments précieux passés avec Jean Claude.
J'avais 12 ans, il en avait 11. Nous avons construit ce réseau de souvenirs, d'images, mais contrairement à aujourd'hui, ces images n'étaient que dans nos têtes... ce qui nous donnait une grande marge d'interprétation lorsque nous racontions nos histoires en septembre, à la rentrée des classes.
Ces récits de nos aventures naturalistes étaient une sorte de projection dans le futur...Nos rêves les plus fous devenaient réalité lorsque nous les partagions avec nos camarades de classe.
Plus tard, Jean Claude a entamé une carrière réussie dans l'armée, ce qui lui convenait parfaitement... il adorait le plein air.
Aujourd'hui, alors que je roule sur les routes interminables du désert de Mojave en Californie, mon instinct d'observation me surprend toujours. J'ai cette capacité à repérer un oiseau de proie qui tournoie dans le ciel. Un Road Runner qui hésite à traverser l'asphalte brulant, me voilà en train de ralentir au cas où ce Geococcyx californianus déciderait de traverser la route.
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